mardi 15 mai 2012

Rotkäppchen : dead girl




Avec Rotkäppchen, Sylvain Huc et Cécile Grassin trifouillent dans les entrailles du Petit chaperon rouge pour en danser une version sanglante, charnelle et agitée, plus fidèle à la tradition orale d'un conte qui remonte au XIème siècle, et qu'on imagine assez carton, qu'à l'interprétation nettement plus mièvre qu'en ont laissé les frères Grimm, évidemment la plus connue. Dans les versions les plus archaïques, point de chasseur pour sauver ce petit monde. La grand mère est avalée tout crue et la jeune fille pré-pubère passe à la casserole doublement, la prédation étant autant sexuelle qu'anthropophage.
Un petit chaperon rouge, jeune adulte hystérique, exigeante et versatile, et un loup très chien-chien à sa mémère qui finira par ne plus supporter les brimades, tels sont les personnages de ce vaudeville tantôt poignant, tantôt burlesque, toujours incarné. Car c'est bien de chair qu'il s'agit sur le plateau de Rotkäppchen. D'un premier tableau sanguinolent qui séduit par sa composition très picturale jusqu'aux chutes répétées de la danseuse jetée au sol comme une carcasse de boucherie, en passant par les morceaux de bidoches qui servent de prétexte à la domination de l'un par l'autre, la viande est omniprésente, tantôt éprouvée joyeusement, tantôt dans la douleur. Car si la chair c'est la vie palpitante et l'amour physique, c'est aussi la mort, le corps inerte et cet entre-deux secoué de spasmes qu'est l'agonie.
Et le petit chaperon de Sylvain Huc n'en finit pas de mourir car si ce brave loup est tenté de cajoler sa maîtresse, son amour frustré fini forcément en carnage dément. Quant à la jeune femme, si elle a des sursauts de vie, aussi flamboyants soient-ils (et Dieu sait s'ils le sont, ces purs moments de rock'n roll dansés à deux dans une dépense énergétique qu'on ne voit pas toujours sur les plateaux), la mort toujours la rattrape. A trop s'amuser avec les fauves, on finit soit par leur ressembler soit par leur servir de vulgaire joujou. Dans tous les cas, le conte retrouve entre les mains de Sylvain Huc ses lettres de noblesse, soit un reflet condensé, fascinant et complexe d'une réalité autant excitante que périlleuse : la relation à l'autre.
Rotkäppchen est un spectacle de la compagnie Divergences chorégraphié par Sylvain Huc.



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